du

Point Aveugle

à la

Syntaxe Transcendantale



Ce livre est basé sur les notes du cours donné à l'Université Roma Tre à l'automne 2004. C'est un peu le bilan d'un certain type d'approche à la logique que je qualifierai d'existentialiste. En effet, contrairement à l'essentialisme (Frege, Tarski, Church) pour lequel les règles logiques tombent du Ciel, celles-ci sont ici le fruit d'une interaction. C'est la lecture que je faisais des réseaux de démonstration du chapitre 9. Ce point de vue s'exprime, dans le second volume, à travers deux tentatives de reconstruction dialectique, le «troisième sous-sol» : la ludique et la géométrie de l'interaction. Laquelle GdI devait se poursuivre dans les articles Geometry of interaction V: logic in the hyperfinite factor et Normativity in logic.

Une question toute simple me chiffonnait cependant : de quoi sommes-nous certains ? De quel droit puis-je énoncer l'implication A ⇒ A ? La vision dialectique, qui suppose une interaction avec toutes les démonstrations de A et toutes celles de sa négation, n'est qu'une vue de l'esprit. Mon interrogation était de l'ordre de la syntaxe transcendantale : elle concerne les conditions de possibilité du raisonnement. Je n'ai trouvé la réponse que récemment : A ⇒ A n'est pas testé sur toutes les démonstrations de A et de sa négation, mais seulement sur un échantillon supposé représentatif : c'est l'usine, en fait une autre lecture des réseaux de démonstration.

La certitude d'avoir passé les tests d'usine est bien indiscutable. Mais il en va tout autrement de l'usage déductif qui réfère à tous les tests ; c'est le passage usine/usage qui est au cœur du raisonnement basé sur la règle de coupure. De quelque façon que l'on s'y prenne, ce passage prédictif comporte une part d'irrationalité.

La ludique et la GdI, reconstructions existentialistes, finissaient par invoquer des structures infinies, desseins ou opérateurs. La syntaxe transcendantale évite l'infini - qu'elle ne reconnaît pas, du moins n'essentialise pas - en transférant une partie du test du côté des testés. Ce déréalisme est la cause d'une sorte de conflit d'intérêt : un test doit être sévère, mais, quand il passe de l'autre côté, de testeur à testé, il a tendance à être laxiste. C'est le gendarme devenu mafioso, ou encore le logiciel truqué des véhicules Volkswagen. Ce qui interdit toute certitude absolue, apodictique, car il n'y a pas de test vérifiant le sérieux des testeurs. L'édifice logique repose, finalement, sur une épidictique, sorte d'architecture postulant le sérieux de certaines batteries de tests.

La syntaxe transcendantale nous délivre finalement de l'aporie que constitue le dilemme entre essentialisme et existentialisme. Si l'usine est gouvernée par l'existentialisme, l'usage - ou plutôt l'adéquation usine/usage - suppose une forme d'essentialisme, l'épidictique.



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